Le salaire minimum concerne des secteurs où il est impossible de payer des salaires au dessus de 23.- francs. C’est une menace pour l’emploi.

Selon l’enquête suisse sur les salaires, 6,2% des travailleuses et travailleurs touchaient un salaire inférieur à 23 francs de l’heure en 2018.
Plus de la moitié de ces travailleuses et travailleurs étaient occupé-es dans des secteurs où les bas salaires sont très marginaux (-5% du total des personnes employées dans le secteur gagnent moins de 23 francs de l’heure).
L’introduction d’un salaire minimum de 23 francs de l’heure ne constitue pas un bouleversement économique majeur, mais vient corriger les situations d’exploitation les plus crasses. Pour de nombreux secteurs, son introduction est économiquement parfaitement soutenable.

Quelques branches économiques concentrent toutefois une part significative des bas salaires. Les secteurs de l’hôtellerie, de la restauration et du nettoyage emploient près de 41,9% des personnes avec un salaire de moins de 23 francs. Toutefois, les bas salaires ne concernent que 30% des personnes salariées dans l’hôtellerie et la restauration, 38,8% dans le nettoyage. Cela signifie donc que la grande majorité des employé-es dans l’hôtellerie et la restauration gagnent plus de 23 francs de l’heure (le salaire horaire médian de la branche en 2018 est de 25,05 francs).
Par ailleurs, dans ces secteurs, bon nombre de grands groupes multinationaux, financièrement très solides, engagent leur personnel à des tarifs inférieurs à 23 francs de l’heure (franchises Mc Donald, hôtels de luxe, ISS). Ils auraient les moyens financiers de verser des salaires plus élevés.

L’expérience neuchâteloise, où un salaire minimum a été introduit dès 2018, montre que l’augmentation des bas salaires n’entraîne pas une hausse du chômage.

Un salaire minimum de 23 francs exclurait les travailleurs les moins qualifiés et les moins expérimentés du marché du travail

La mise en concurrence des salarié-es les uns contre les autres n’est pas accentuée par l’introduction d’un salaire minimum. Au contraire, plus les travailleuses et les travailleurs bénéficient de droits, moins ils/elles peuvent être mis en concurrence. C’est la raison pour laquelle les syndicats se battent autant pour le principe de libre circulation des personnes que pour le renforcement des mesures d’accompagnement. En effet, les deux mesures visent à créer des droits égaux entre travailleuses et travailleurs indépendamment de leur origine.

Par ailleurs, cet argument suggère que 6,2% des travailleuses et travailleurs de ce canton ne méritent pas de pouvoir vivre de leur seul salaire ! Nous osons affirmer qu’en 2020 toute personne a le droit de vivre décemment de son travail. Le salaire n’est pas qu’une affaire d’offre et de demande, c’est un enjeu de lutte et une question de droit.

Avec un salaire minimum légal, les travailleuses et travailleurs auront un nouveau droit sur lequel s’appuyer dans la négociation de leur salaire. Et les travailleuses et travailleurs plus qualifiés et plus expérimentés seront en droit de réclamer des salaires au-delà du salaire minimum.

Le système actuel, basé sur la négociation entre partenaires sociaux en fonction des réalités des branches, a fait ses preuves

Au rythme des avancées conventionnelles des dix dernières années, un nettoyeur devait attendre 2027 pour obtenir un salaire minimum de 23 francs de l’heure. Une serveuse ne pourrait espérer toucher un salaire minimum à 23 francs de l’heure qu’en 2050 !

Si le système a fait ses preuves, on peut se demande pour qui.
Pour les patrons ? C’est certain ! En raison de l’absence d’ouverture patronale, il a été impossible pour les syndicats d’obtenir des améliorations salariales dans les branches à bas salaires.

Pour les travailleuses et travailleurs, c’est bien parce que le système du partenariat social est déficient et n’a pas fait ses preuves qu’un salaire minimum légal s’impose.

Entre 2016 et 2018, la pressions sur les salaires s’est fait lourdement ressentir avec un recul du salaire médian en Suisse comme à Genève. Pire, on doit constater que les travailleuses et travailleurs avec les salaires les plus bas ont été particulièrement touchés (le premier quartile des salaires recule de 5363 francs à 5236 francs à Genève[1]). Des reculs sont constatés dans des branches de l’industrie comme dans celle de la construction pourtant au bénéfice de conventions collectives de travail.

Le système actuel ne parvient pas à freiner les pressions sur les salaires, des nouvelles mesures s’imposent. Un salaire minimum légal en fait partie et contribuera à améliorer la situation des bas salaires.


[1] Le 1er quartile (Q1) correspond au salaire mensuel brut au-dessous duquel se trouvent 25% des travailleuses et travailleurs. Le salaire médian correspond lui au salaire mensuel au-dessous duquel se trouvent 50% des travailleuses et travailleurs. Le 3ème quartile correspond au salaire mensuel au-dessous duquel se trouve 75% des travailleuses et travailleurs.

Le salaire minimum va tirer l’ensemble des salaires vers le bas

L’exemple le plus proche de la réalité genevoise est sans conteste le canton de Neuchâtel où le salaire minimum est entré en force dès 2018 après une acceptation en 2011 par votation populaire et plusieurs recours patronaux.

En prenant comme référence le secteur de l’hôtellerie et de la restauration, on constate que le salaire médian standardisé de la branche (calculé sur 40h/semaine, 13ème salaire compris) passe de 4188 francs en 2016 à 4383 francs en 2018, année de l’entrée en force du salaire minimum. Cela représente une progression salariale de 4,7%, alors que le salaire médian de l’ensemble de l’économie neuchâteloise recule lui de 0,6% (de 6137 francs à 6101 francs). Dans le même temps à Genève, le salaire médian dans le secteur de l’hôtellerie et de la restauration est passé de 4258 francs à 4342 francs, soit une augmentation de 2%. Le salaire médian de la branche est à présent moins élevé à Genève qu’à Neuchâtel!

En suivant les arguments des opposants au salaire minimum légal, son introduction à Neuchâtel aurait dû provoquer le gel des salaires dans les branches concentrant les bas salaires, comme l’hôtellerie et la restauration. C’est pourtant tout le contraire qui s’est passé puisque le salaire minimum légal a contribué à tirer les salaires vers le haut malgré un contexte général de pression sur les salaires. C’est donc un formidable outil de lutte contre la sous-enchère salariale dans les secteurs à bas salaire.