Tout travail mérite un salaire décent – Gauchebdo

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Genève • Les Genevois.e.s auront à se prononcer le 27 septembre sur une initiative instaurant un salaire minimum légal cantonal. Une mesure bénéficiant notamment aux femmes les plus touchées par les bas salaires.

Publié le 3 juillet 2020 par Jorge Simao dans la rubrique Genève de Gauchebdo

«Il est inadmissible que des travailleur.euse.s ne parviennent pas à vivre de leur travail, quel qu’il soit», s’indigne la Communauté Genevoise d’action syndicale (CGAS). Cette faîtière regroupant l’ensemble des syndicats genevois a décidé de porter une initiative pour mettre un terme à l’indécence des plus bas salaires. Elle s’intitule Contre la précarité, 23 francs c’est un minimum.

Avec le slogan «Combattons la précarité sans nous laisser diviser», le texte souhaite instaurer ce montant comme revenu horaire (brut) mini- mal. En Suisse, deux cantons possèdent actuel-ement un salaire minimum légal: Neuchâtel et le Jura. Introduit à l’été 2017, le montant horaire neuchâtelois est de 20.02 francs, inférieur au tarif plancher de 22 francs exigé par Unia, mais il a valeur de signal pour les autres cantons. Le Jura l’introduit en novembre 2017 (20 francs l’heure).

Revenus médians inégaux

Selon le relevé de l’Office cantonal de la statistique 2018, le salaire mensuel brut médian atteint 7’306 francs pour 40h. hebdomadaires. Ainsi une moitié des personnes salariées gagne plus que ce montant, l’autre moins. Les revenus inférieurs à deux tiers du salaire médian (les «bas salaires» à moins de 4871 francs), concernent près d’une personne salariée sur cinq (17.8%). Les femmes et les étrangers y sont surreprésentés.

Les secteurs aux salaires médians bruts les plus modestes sont l’industrie alimentaire (4436 francs), l’hébergement et restauration (4342 francs) et les «autres services personnels» (4120 francs) regroupant la blanchisserie, les salons de coiffure et les instituts de beauté. La CGAS estime à 9,4% la part des personnes salariées du privé dans le canton gagnant mensuellement moins de 4086 francs pour 41h hebdomadaires. Soit environ 30’000 personnes, parmi lesquelles la moitié aurait un revenu inférieur à 3500 francs par mois. «Ces salaires ne permettent pas de vivre dignement sans recourir à de multiples aides publiques», s’insurge le SIT.

A l’instar des cantons de Neuchâtel et du Jura, Genève doit se doter d’un salaire minimum légal «afin de combattre cette précarité» indique le syndicat. Selon les estimations de la faîtière, 3’594 francs mensuels sont nécessaires à une personne résidant à Genève. Ceci à raison d’un loyer (1100 francs), d’une prime maladie (500 frs), de charges sociales (394 frs) et de besoins vitaux (évalués à 1’608 frs à quoi, elle estime juste d’ajouter l’impôt (26 frs), les frais de repas (4800 frs/an) et de déplacements annuels avec un abonnement adulte en seconde classe (500 frs). On atteint ainsi un salaire annuel brut 48’459 francs, soit près de 4040 francs par mois.

Traduit en revenu horaire, cela donne 22.73 francs que la CGAS a décidé d’arrondir à 23 francs pour tenir compte des frais d’acquisition du revenu (ou frais professionnels). Forte de ce salaire minimum, la CGAS affirme pouvoir «mettre un terme au scandale de l’exploitation indécente de dizaines de milliers de travailleur.euse.s». Elle souligne que deux tiers des personnes salariées gagnant moins de 4000 francs sont des femmes. Nulle surprise à ce que la faîtière relève alors dans son initiative la possibilité d’«un pas significatif vers l’égalité salariale dans les faits.»

Pour le SIT, aux bienfaits du salaire minimum pour les travailleur.euse.s s’en ajoute un pour l’État. Il «n’aura plus à subventionner indirectement les employeurs qui pratiquent la sous- enchère salariale, et pourra consacrer plus de ressources (nos impôts) aux services publics, dont la population a besoin, par exemple en créant de nouveaux emplois». Soutenue par le PdT, le PS, les Verts et solidaritéS, l’initiative a récolté une large approbation du centre à la gauche.

«L’introduction d’un salaire minimum est un combat d’importance fondamental pour le Parti du Travail. Il s’agit avant tout d’une contre-offensive aux empiétements du patronat sur les salaires, la fixation d’un plancher au-dessous duquel on ne pourrait plus sous-payer les travailleurs, ce qui impliquerait en pratique une hausse du salaire de milliers de travailleurs (dont la majorité est des travailleuses). Nous insistons sur le fait qu’il ne s’agit que d’un plancher, qui n’est pas voué à devenir le salaire standard. Un «vrai» salaire minimum devrait être plus élevé. Mais il s’agit d’un premier pas indispensable, et d’une garantie vitale: la crise économique qui commence impliquera une attaque du patronat sur les salaires», explique Alexander Eniline, président du PdT.